vendredi 21 janvier 2011

Ben Ali-Trabelsi : les pillages d'une famille en or

Fabrice Amedeo

La famille de l'ex-président tunisien aurait mis la main sur 40 % de l'économie du pays. Et l'emprise de sa femme Leïla et des siens ne cessait de s'accroître ces derniers mois.

Ben Ali et Leïla Trabelsi avaient mis au pas la Tunisie et préparé l'avènement du gendre prodige Mohamed Sakhr el-Materi (ici, en arrière-plan). (Fethi Belaid/AFP)
Ben Ali et Leïla Trabelsi avaient mis au pas la Tunisie et préparé l'avènement du gendre prodige Mohamed Sakhr el-Materi (ici, en arrière-plan). (Fethi Belaid/AFP)
Un neveu du Président est venu me rendre visite il y a trois semaines. Par chance, je m'étais absenté. L'individu a dit à mon personnel terrorisé qu'il reviendrait.» La chute du régime de Ben Ali a sans doute évité à cet entrepreneur tunisien l'entrée de l'un des membres de la famille présidentielle au capital de sa société, ou le versement d'un pot-de-vin. Quelques jours après le départ du clan présidentiel, les langues commencent à se délier en Tunisie. L'anonymat des témoins reste de rigueur, par peur d'un retour en arrière et par méfiance vis-à-vis du nouveau gouvernement, qui a laissé plusieurs ministères clés à des figures de l'ancien régime.
Mais la fuite du président Ben Ali lève peu à peu le voile sur une économie gangrenée et cornaquée par la famille de l'ex-dictateur. En vingt-trois ans, la famille Ben Ali et celle de son épouse, Leïla Trabelsi, 55 ans, ont fait main basse sur des pans entiers de l'économie du pays et mis en place un véritable racket institutionnalisé: l'automobile, la téléphonie, les banques, l'immobilier, le tourisme... Pas un secteur n'y a échappé. Des experts tunisiens considèrent que 40 % de l'activité économique et des flux financiers étaient aux mains de membres de la famille présidentielle il y a encore une semaine. La Fondation Global Financial Integrity estime que la corruption a fait perdre un milliard de dollars par an au pays. «Ce sont de véritables prédateurs, explique Béatrice Hibou, chercheur au Centre d'études et de recherches internationales (Ceri). Ils ont réussi à entrer dans toutes les grandes entreprises en récupérant des participations à bas prix, à se placer comme intermédiaires dans toutes les privatisations ou les grands appels d'offres, ainsi qu'à pousser tous les groupes étrangers qui cherchaient à s'implanter en Tunisie à verser des commissions.»
La loi interdit les enseignes étrangères de grande distribution? Un conseil interministériel donne l'autorisation à Slim Chiboub, un gendre du Président, d'implanter l'enseigne Carrefour. La baisse de l'activité touristique rend indispensable l'adhésion du pays aux accords internationaux d'ouverture de couloirs aériens (Open Sky)? Le pays ne signera jamais ces accords qui risquaient d'affaiblir la compagnie Karthago Airlines, aux mains de Belhassen Trabelsi, le beau-frère de Ben Ali. Les rapports de diplomates américains dévoilés par WikiLeaks parlent d'un «manque de transparence et de responsabilité qui porte gravement tort à l'économie en dégradant les conditions de l'investissement et en alimentant une culture de la corruption». La réalité était pire.
Le racket organisé au niveau de l'Etat avait également des ramifications sur le terrain, chez les petits chefs d'entreprise et jusqu'au fin fond des échoppes de quartier. A chaque fois, le modus operandi était le même. Des hommes de main du clan se renseignaient sur leur future proie. Quand ils avaient suffisamment d'informations, ils attaquaient: menace de contrôle fiscal, divulgation de photos pour les maris adultères ou encore coupures d'eau et d'électricité. «Ils ont commencé par forcer les commerçants chez qui nous faisions nos courses à leur donner les factures pour voir ce que nous achetions, raconte un Tunisois. Ils voulaient tout savoir: qui nous recevions, ce que nous servions à table. Et puis un jour, ils ont débarqué pour nous demander de vendre notre société.»
Tout entrepreneur qui inscrivait son entreprise au registre du commerce entrait dans le collimateur du clan et se voyait attribuer des informateurs attitrés. Dès que l'entreprise arrivait à une taille jugée critique, les sbires de la famille présidentielle débarquaient et n'hésitaient pas à utiliser tous les moyens d'intimidation afin d'obtenir, au mieux une prise de participation dans la société, et au pire sa vente pour un prix dérisoire à un membre de la famille présidentielle. Et l'omerta était de mise. Les chefs d'entreprise ne pouvaient pas rencontrer les chancelleries occidentales sous peine de représailles. «Les parkings des chancelleries étaient truffés d'informateurs», explique un membre de l'élite intellectuelle tunisienne.
On croirait entendre les témoignages de Roumains durant les sombres heures de la dictature Ceaucescu. Une comparaison d'autant plus pertinente que, dans les deux cas, c'est une femme qui tirait les ficelles dans l'ombre du dictateur. Elena Ceausescu en Roumanie et Leïla Trabelsi en Tunisie. Car ce que l'on appelle « la famille » est organisé en deux clans. Il y a tout d'abord le clan Ben Ali, composé des six frères et sœurs du Président, leurs enfants, ainsi que les trois filles issues du premier mariage de Ben Ali. Il y a du beau monde. Moncef Ben Ali, le frère de l'ex-Président, était un ancien trafiquant de drogue condamné par contumace en France à dix ans de prison pour son appartenance à la« couscous connection ». Il est décédé en 1996.

Les rêves de diva d'une ancienne coiffeuse

Les trois filles issues du premier mariage de Ben Ali ont épousé des Tunisiens qui ont été pris en main par la famille. Slim Chiboub, le mari de Dorsaf, fait la pluie et le beau temps sur les marchés pharmaceutiques qu'il octroie aux plus offrants. Il a également racheté de nombreux terrains pour une bouchée de pain et les a vendus à prix d'or à l'issue de programmes immobiliers, eux aussi négociés à des tarifs plus que préférentiels. Marouane Mabrouk, marié à Cyrine Ben Ali, a hérité de la concession Mercedes de Tunis et est surtout coactionnaire d'Orange dans le pays.
L'autre pan de la mafia présidentielle est constitué de la famille Trabelsi, du nom de jeune fille de la deuxième épouse du Président, Leïla, ancienne coiffeuse aux rêves de diva qui a grandi dans la médina de Tunis. Ses dix frères et sœurs, les nombreux neveux ainsi que les enfants du couple présidentiel constituent une vaste nébuleuse qui a infiltré toutes les sphères politiques et économiques de Tunisie. Si l'on ne devait citer qu'un nom, le pilier du clan Trabelsi, ce serait Belhassen, le frère de Leïla. Il était partout: transports aériens (Karthago Airlines), télécoms (Global Telecom Networking), construction de camions (Alpha Ford International), licences d'importation d'automobiles (Ford, Jaguar et Hyundai), tourisme, médias (Mosaïque FM et Carthage TV). Sa cupidité ne le faisait reculer devant aucune intimidation ni aucune manipulation, le plus souvent sous l'œil complaisant de la communauté internationale. L'un de ses derniers faits d'armes est d'avoir modifié, dans le quartier La Malaga de Carthage, le statut juridique de terrains classés au patrimoine de l'humanité par l'Unesco, puis de les avoir achetés 1 euro le mètre carré pour les revendre ensuite environ 2000 fois plus cher.
L'autre homme fort du clan Trabelsi est Mohamed Sakhr el-Materi, le mari de Nasrine, la première fille du couple présidentiel. A 30 ans, il gère de nombreuses affaires: la radio coranique Zitouna FM lui appartient, et il s'était lancé dans la finance islamique. Elu député, il est rapidement devenu très riche, au point de faire de l'ombre à Belhassen. Il avait également une mission d'importance: ponctionner tout ce qui pouvait l'être sur les octrois de marchés et les appels d'offres, garder 10 % pour lui et laisser le reste sur des comptes au nom de Mohamed Ben Ali, l'héritier mâle inespéré que le couple présidentiel attendait depuis des années et a fini par concevoir in vitro en 2005.
Les deux clans se sont partagé le pays et ont dépecé méthodiquement son économie. Aux Ben Ali la région côtière centrale et aux Trabelsi la région de Tunis, la plus riche. Le journaliste tunisien Slim Bagga, fin connaisseur de l'économie de son pays, estime la fortune des Ben Ali à 5 milliards d'euros. Le clan Trabelsi représenterait à lui seul 12 milliards d'euros. Leur fortune est immense et ils sont partout. Une propriété en Argentine, des avoirs financiers en Suisse et à Dubaï ou encore plusieurs propriétés en France. Selon des membres de l'élite intellectuelle tunisienne, Ben Ali, 74 ans, qui semblait au crépuscule de sa vie (il souffre d'un cancer de la prostate depuis plusieurs années), n'avait plus la pleine maîtrise des choses. Un bon connaisseur du régime raconte que le jeune Mohamed était devenu un objet de chantage pour la femme du Président, qui l'utilisait pour obtenir ce qu'elle voulait. L'an dernier, elle serait partie avec lui à Dubaï et ne serait rentrée que lorsque Ben Ali lui aurait promis de privatiser la distribution du thé et du café en Tunisie et d'en faire profiter un de ses proches. C'est Leïla Trabelsi et son clan qui tenaient la Tunisie.
Un coup d'œil sur les trois secteurs clés de l'économie tunisienne permet de comprendre comment cette famille élargie a pu mettre au pas tout un pays et ses richesses. Le clan Trabelsi a mis la main sur l'automobile, un secteur, contrôlé par l'Etat, qui définit des quotas d'importation. Le ministère du Commerce a d'abord octroyé d'importants quotas à Belhassen Trabelsi. Puis il lui a donné l'exclusivité sur les importations de véhicules japonais et coréens qui ont inondé le marché.

«Son départ va apporter un vrai ballon d'oxygène»

Il y a deux ans, c'est Sakhr el-Materi, un gendre, qui a acheté pour 30 millions de dinars Ennakl, l'importateur de Volkswagen et Audi. Une entreprise aujourd'hui valorisée 300 millions de dinars. L'homme a eu du nez. Mais, curieusement, il était le seul candidat au rachat ! Plus récemment, un futur gendre, Mehdi Belgaïd, a mis la main sur la concession Peugeot. L'Etat lui a tout bonnement offert sa participation dans la société Stafim, importatrice des modèles français, et a sommé la Banque internationale arabe de Tunisie de vendre sa participation au gendre prodigue.
Même scénario dans le secteur de la téléphonie avec ses trois opérateurs. Tunisie Télécom a ainsi vendu 35 % de son capital à un fonds de Dubaï, ce qui a permis à Belhassen Trabelsi de toucher une commission de 30 à 50 millions d'euros, selon nos informations. Tunisiana a mis la main sur la deuxième licence d'opérateur en 2002, non pas en faisant la meilleure offre à l'Etat mais en adressant la rétrocommission la plus élevée au frère de Leïla Trabelsi. Enfin, pour l'octroi de la troisième licence à Orange Tunisie, une surenchère de dernière minute de Sakhr el-Materi a coûté 50 millions d'euros de plus au groupe français.
Un autre secteur stratégique, la banque, a également été préempté par le clan présidentiel. La Banque de Tunisie s'est vu imposer à sa tête Alia Abdallah, la femme de Abdelwaheb Abdallah, qui n'était autre que le conseiller personnel de Ben Ali.
Aux yeux de nombreux observateurs, ce sont ces pratiques, davantage que les privations de libertés politiques, qui ont fait imploser le système et conduit le peuple tunisien dans la rue. «Le départ de la famille Ben Ali va apporter un vrai ballon d'oxygène à l'économie tunisienne, estime Béatrice Hibou. De nombreux entrepreneurs ont vu leurs activités perturbées par les captations de richesses du clan présidentiel. Ou ils ont préféré rester petits pour ne pas être ennuyés...»

Leïla Ben Ali préparait son installation avenue Foch

La fortune du clan en France serait essentiellement immobilière. Elle comprend deux hôtels particuliers parisiens, acquis l'an dernier, un chalet à Courchevel et des villas sur la Côte d'Azur.

 Dominique Rizet, Sophie Roquelle

(Derek Hudson/Madame Figaro)
(Derek Hudson/Madame Figaro)
C'est bien le président Ben Ali qui était attendu au Bourget vendredi 14 janvier. Une demi-compagnie de CRS, le préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, la patronne de la police de l'air et des frontières et son adjoint avaient été dépêchés sur place, initialement pour accueillir le Président en fuite et son épouse. Après une longue attente, l'accès au sol français leur est refusé (sur ordre de l'Elysée?) alors qu'ils survolent la Sardaigne. Cap sur l'Arabie saoudite. Un peu plus tôt dans l'après-midi, Cyrine, une des trois filles de l'ex-président, était arrivée au Bourget à bord d'un jet privé flanquée de son mari, Marouane Mabrouk, de deux petites filles et de leur suite. Nasrine, 24 ans, la fille de Ben Ali et de sa seconde épouse, était arrivée à Paris la veille. Tout le monde prend la direction de Disneyland Paris pour un week-end discret. Mais la nouvelle de leur présence se répand comme une traînée de poudre, forçant les autorités à réagir: la famille est priée de plier bagage et de quitter la France avant samedi 14 heures. Le départ se fera finalement dans la soirée et à destination d'un pays arabe, probablement le Qatar. Les rêves de retraite dorée à Paris des Ben Ali se sont évanouis en quelques heures.
Le clan pensait pourtant avoir tout prévu. Ces derniers mois, l'épouse du Président et sa famille avaient effectué plusieurs opérations immobilières d'envergure comme si elle et les siens préparaient déjà l'après-Ben Ali sur le sol français. La révolution de jasmin aura été plus rapide que la maladie du Président.
En septembre dernier, Leïla s'est offert un somptueux hôtel particulier avenue Foch, dans le XVIe arrondissement, acheté au nom de Mohamed, presque 6 ans, son unique fils, le petit empereur choyé du clan. Deux mois plus tôt, le mari de Nesrine, Mohamed Sakhr el-Materi, 30 ans, avait dépensé 37 millions d'euros pour un prestigieux hôtel particulier du Marais. Les Trabelsi détiendraient en outre plusieurs appartements haussmanniens à Paris. La famille serait également propriétaire d'un chalet à Courchevel et d'une, voire deux villas, sur la Côte d'Azur. A l'été 2008, tout le clan s'était retrouvé à Saint-Tropez pour les vacances.
Si l'essentiel des placements semble concerner des biens immobiliers, les Ben Ali disposeraient aussi d'une solide fortune répartie sur divers comptes en banque à Paris, soit dans des banques françaises, soit dans des succursales parisiennes de banques tunisiennes et suisses.
Pour l'heure, malgré les déclarations de Christine Lagarde sur la volonté de Paris de faire preuve de la plus extrême vigilance sur d'éventuels mouvements financiers autour des Ben Ali, rien n'empêche juridiquement les titulaires des comptes de disposer de leur argent. Dès la fin de la semaine dernière, Tracfin, la cellule antiblanchiment de Bercy, a demandé aux banques de signaler tous les mouvements sur les comptes identifiés des deux familles. En cas de nécessité, Tracfin pourrait prendre des mesures de blocage sur ces comptes pendant quarante-huit heures maximum. En outre, la ministre de l'Economie déclarait mardi à l'Assemblée nationale avoir demandé à Tracfin de «saisir les notaires et les avocats pour qu'ils exercent une vigilance absolue sur les actifs appartenant de près ou de loin à la famille Ben Ali». En d'autres termes, que la famille ne puisse pas vendre des biens en toute discrétion.
L'affaire risque de se déplacer rapidement sur le front judiciaire. Trois ONG, Transparency International, Sherpa et la Commission arabe des droits humains ont déposé plainte lundi soir auprès du parquet de Paris pour détournement de fonds publics. «Notre objectif, explique Daniel Lebègue, de Transparency, est triple: identifier de manière précise les actifs et l'état des comptes des Ben Ali, obtenir un gel durable de ces biens grâce à une décision de justice, et enfin, restituer ces biens détournés à l'Etat tunisien.»

Suisse

Nouvelle ordonnance instituant des mesures à l’encontre de certaines personnes originaires de la Tunisie

Se basant sur l'article 184 alinéa 3 de la constitution fédérale de la Confédération suisse, le Conseil fédéral a adopté, le 19 janvier 2011, une nouvelle ordonnance instituant des mesures à l'encontre de certaines personnes originaires de la Tunisie. L'ordonnance entre en vigueur le 19 janvier 2011. L'article 1 de l'ordonnance prévoit un gel des avoirs et des ressources économiques. Les personnes, entreprises et entités visées sont nommées dans l'annexe. L'ordonnance peut être consultée dans le recueil officiel du droit fédéral.

Les intermédiaires financiers sont soumis à l'obligation de procéder immédiatement au blocage et à une annonce de telles relations d'affaires à la Direction du droit international public (DDIP) du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) conformément aux prescriptions de l'Ordonnance instituant des mesures à l'encontre de la Tunisie. L'annonce à la DDIP ne dispense pas l'intermédiaire financier de procéder sans délai à une communication d'une telle relation d'affaires au Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent au sens de l'art. 9 de la loi sur le blanchiment d'argent.

Ben Ali va tenir sa promesse.

BEN ALI va tenir sa promesse malgré lui
Effectivement, la promesse de Ben Ali va finalement être tenue... les 300 000 emplois promis seront certainement créés d'ici les prochaines semaines. Etant donné la fuite des familles Trabelsi, Ben Ali, et leurs satellites, qui comme nous le savons, constituaient un pourcentage conséquent de la population tunisienne, auxquels s'ajoutent tous les bannis du régime, nous serons proche des 300 000 emplois promis. Peut être même allons-nous les dépasser. Merci Ben Ali

Imed Trabelsi est vivant


Le neveu de l'épouse du président tunisien déchu Ben Ali était donné pour mort depuis plusieurs jours.


TUNISIE - Imed Trabelsi est vivant Imed Trabelsi est l'un des symboles de la corruption de l'ancien régime tunisien © Fethi Belaid / AFP

  • Par Clémentine Goldszal
Click here to find out more!
Source AFP
Imed Trabelsi, neveu de l'épouse du président tunisien déchu Zine el-Abidine Ben Ali, donné pour mort la semaine dernière, est vivant et interrogé par la police, a annoncé vendredi le ministre de l'Intérieur, au cours d'une conférence de presse. "Oui, il est vivant, on l'interroge et on enquête sur lui", a déclaré Ahmed Friaa, en réponse à une question sur le sort du neveu de Leïla Trabelsi, l'un des symboles de la corruption de l'ancien régime tunisien, renversé il y a exactement une semaine lors de la "révolution de jasmin" après 23 ans de règne sans partage.
Un membre du personnel de l'hôpital militaire de Tunis avait indiqué samedi qu'Imed Trabelsi avait succombé la veille à une blessure par arme blanche. "Le chouchou de Leïla a été poignardé ces derniers jours et admis aux urgences. Il est décédé vendredi", avait affirmé ce membre du personnel soignant.
Mais depuis plusieurs jours, des rumeurs le donnaient encore en vie, après la diffusion sur Internet d'une vidéo le représentant aux mains de la police.

Indulgente avec Ben Ali, l'armée est sans merci contre les Trabelsi




Leila Ben Ali en novembre 2010 (Maghrebia/Wikimedia Commons).
(De Tunis) Sans doute ont-ils jugé qu'il serait moins encombrant à l'étranger qu'en Tunisie. Une chose est sûre en tous cas : les militaires tunisiens n'ont pas cherché à s'opposer à la fuite du président Zine el-Abidine Ben Ali. Son avion, identifié sous le nom d'« Oscar Oscar », a quitté le tarmac de l'aéroport de Tunis Carthage à 17h30.
Trente minutes après que l'armée a décrété la fermeture de l'espace aérien national. Lui et ses proches sont tous sains et saufs et sont parvenus à fuir le pays. Sa femme, Leïla, née Trabelsi, qui était installée depuis plusieurs jours à Dubaï, aux Emirats Arabes Unis, devrait bientôt le rejoindre dans son exil saoudien, à Jeddah.
Sa fille Cyrine (propriétaire du fournisseur d'accès internet Planet Tunisie et de la station radio Shems FM) a pu gagner Paris, à bord du Falcon de son mari, l'homme d'affaires Marwane Mabrouk, qui se trouvait déjà sur place. Le couple et leurs enfants ont posé leurs bagages dans un palace de la capitale française.

Accueillie sous les huées à Montréal

Nesrine, une autre de ses filles, a été « exfiltrée » à Montréal (où le couple possède une somptueuse résidence) par son mari, Mohamed Sakhr El Materi, le richissime « gendre préféré » de l'ex-président. Elle a été accueillie sous les huées par une foule nombreuse de Tunisiens prévenus de son arrivée et venus l'attendre à l'aéroport Pierre-Elliot Trudeau, dans la nuit du 11 au 12 janvier.
Ultime bravade, El Materi, également député, est ensuite retourné à Tunis participer à la « session extraordinaire » de la Chambre convoquée dans la soirée du 13 janvier, soit une vingtaine d'heures avant la chute du régime. Il a malgré tout réussi à quitter Tunis pour Montréal, le 14 janvier un peu avant 14 heures, à bord de son jet privé – un Falcon blanc, piloté par un pilote américain.

L'homme le plus détesté du pays

Belhassen Trabelsi, « parrain » du clan éponyme et frère aîné de l'ex-première dame, a eu moins de chance. L'homme le plus détesté du pays avait pourtant minutieusement organisé sa fuite, et souhaitait se rendre à Lyon, en compagnie de six membres de sa famille.
Mais le commandant de bord, Mohamed Ben Kilani, a refusé d'obtempérer à son ordre de décollage, et est descendu de l'appareil, qui s'est du coup retrouvé cloué au sol. Cueilli à l'aéroport par les militaires, « BT » a été placé aux arrêts dans la caserne d'El Aouina, où il se trouve toujours.
Toutes ses résidences de Tunis ont été saccagées, pillées et incendiées. Son neveu, le sulfureux Imed, qui a fait l'objet d'un mandat d'arrêt international délivré par la justice française, pour vol de bateaux de luxe dans le port de Saint-Tropez, en 2006, n'est plus de ce monde.
Il a succombé le 15 janvier à l'hôpital militaire de Tunis, où il avait été admis la veille pour des blessures à l'arme blanche. Les circonstances exactes de son agression ne sont pas totalement établies, mais celui qu'une rumeur insistante présentait comme le fils naturel de Leïla Ben Ali aurait pu être victime de la colère d'un pêcheur de la Goulette, ville dont il avait été « élu » maire l'an passé.

Une prise de choix pour les mililtaires

L'incertitude demeure au sujet de Slim Chiboub, autre gendre de Ben Ali, affairiste notoire et ancien président emblématique du club de football de l'Espérance sportive de Tunis. La chaîne qatarie Al Jazeera a d'abord annoncé son interception dans la ville frontalière de Ben Guerdane, située à quelques kilomètres de la Libye, mais l'intéressé aurait démenti de vive voix auprès de la chaîne maghrébine Nessma TV et aurait affirmé séjourner « pour affaires » à Tripoli.
En revanche, l'ancien patron des renseignements et de la garde présidentielle, le général Ali Seriati a bien été capturé par l'armée non loin de Ben Guerdane. C'est une prise de choix pour les militaires : ce « faucon » serait le chef des milices contre-insurrectionnelles qui terrorisent la population de la capitale tunisienne…
Photo : Leila Ben Ali en novembre 2010 (Maghrebia/Wikimedia Commons).

Fil info du 21.01.2011

16h55: Yves Lecoq, victime collatérale du clan Ben Ali
Rue89 raconte la déconvenue du l’imitateur officiant aux Guignols de l’info. Après quatre ans de tractation, Yves Lecoq acquiert une villa, à Hammamet, en 2009. Seulement, quand il cherche à y entrer, des policiers l’en empêchent et l’emmènent au poste. Là, il apprend que la villa mitoyenne de la sienne appartient à Mohamed Sakher El Materi, un gendre de Ben Ali.
Quand il finit enfin par rentrer dans sa maison, il est réveillé dans la nuit par…des rugissements de lions appartenant à son voisin. Lequel lui interdit de bâtir une clôture. Yves Lecoq obtempère, craignant des représailles. Lassé, il finit par vendre sa maison à Mohamed Sakher El Materi en 2010.
«La télévision tunisienne disait ces jours-ci que je pourrais la récupérer», raconte l’imitateur à Rue89. «Mais c'est un bien mal acquis, acheté avec de l'argent qui l'est aussi… Donc je ne sais pas si ce sera possible», conclut-il.

16h26: Taoufik Ben Brick : «Je suis le père légitime de la révolution»
D’ores et déjà candidat à la présidentielle tunisienne, l’écrivain Taoukif Ben Brik a déclaré dans une interview donnée au Nouvel Observateur être «le prophète de (la) révolte». «J’ai prédit l’histoire de la Tunisie à travers mes livres» ajoute t-il, précisant que ses écrits étaient «prémonitoires». «Je suis le symbole pré-historique de cette opposition à Ben Ali. Je suis le père légitime de la révolution, le Montaigne, La Boétie de la Tunisie» insiste t-il.
 
15h56: Petit florilège des déclarations des dirigeants français sur le régime Ben Ali
Lors de ses 23 ans de règne, l'ex-président Ben Ali n'a pas reçu que des critiques sur son régime, loin de là. De François Mitterrand à Nicolas Sarkozy, en passant par Jacques Chirac et Lionel Jospin, leurs déclarations sont à retrouver en cliquant ici.

15h: Manifestation pacifique à Tunis
Malgré le début de trois jours de deuil national, plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans le calme ce vendredi sur l'avenue Habib Bourguiba, principale artère de la capitale. «Nous n'accepterons pas ce gouvernement, nous ne l'accepterons jamais», scandait la foule sous l'oeil attentif de la police. 

13h38: Un audit de l'Internet tunisien
«La situation est plus compliquée que prévue, des techniciens liés à Ben Ali, avaient accès à l'infrastructure Internet», tempère Slim Amamou, qui précise qu'«il faudra faire auditer l'infrastructure par des experts en sécurité informatique».
13h38: Un audit de l'Internet tunisien
«La situation est plus compliquée que prévue, des techniciens liés à Ben Ali, avaient accès à l'infrastructure Internet», tempère Slim Amamou, qui précise qu'«il faudra faire auditer l'infrastructure par des experts en sécurité informatique».

13h28: La censure peu à peu éradiquée de la Toile tunisienne
Sur son compte Twitter, le blogueur et secrétaire d'Etat chargé de la Jeunesse, Slim Amamou rend compte d'une réunion au ministère de l'Intérieur au sujet de la censure sur le réseau Internet tunisien, en vigueur sous le régime Ben Ali. Selon lui, des directives vont être lancées afin de le «décensurer». «Il reste des sites censurés à cause de la loi tunisienne, notemment les sites pornographiques, on va avoir un mandat de justice pour ça probablement lundi», explique Slim Amamou.

13h05: Les voyages touristiques en Tunisie suspendus jusqu'au 31 janvier
L'Association des tour-opérateurs français a annoncé ce vendredi matin que les départs vers la Tunisie étaient suspendus jusqu'au 31 janvier.

12h33: Le journaliste et opposant Taoufik Ben Brik candidat à la présidentielle
Le journaliste tunisien Taoukif Ben Brik, opposant acharné au régime de Ben Ali, sera candidat à l'élection présidentielle prévue d'ici six mois en Tunisie, a-t-il annoncé vendredi à l'AFP.

11h15: Des salariés manifestent contre leur patron.
Devant Tunisie telecom, comme hier, mais aussi Tunisair, des salaréis manifestent. Ils exigent le départ de leur PDG, nommé par l'ancien pouvoir, selon notre envoyée spéciale à Tunis.

10h57: «L'Histoire a basculé en quelques heures»
Interrogée sur Europe 1, la Franco-tunisienne Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération des Ligues des Droits de l’homme, revient sur les derniers évènements en Tunisie: «L'Histoire a basculé en quelques heures. Cela met fin à 23 ans de népotisme. Ça a été un grand moment». Selon elle, «la démocratie est en marche. (...) Les débats se déroulent partout. Depuis l'indépendance, on n'a jamais vécu une telle liberté».

10h08: Les salariés de l'entreprise publique de transports réclament le départ du directeur
Après ceux de Tunisie Telecom, c'est au tour des salariés de l'entreprise publique de transports de réclamer le départ de leur PDG, selon notre journaliste sur place.
Après la tempête, le calme? La Tunisie observe en tout cas à partir de ce vendredi trois jours de deuil en hommage aux dizaines d'émeutiers tués durant le mois de manifestations ayant provoqué la chute du régime de Ben Ali.

Le dernier bilan, annoncé lundi, est de 78 morts au moins, la plupart tués par des balles policières. Selon le haut commissaire des Nations unies aux Droits de l'homme, Navi Pillay, les émeutes ont fait une centaine de morts. Après cette période de deuil national, annoncée jeudi par la télévision publique à l'issue du premier Conseil des ministres du nouveau gouvernement, les Tunisiens vont progressivement retrouver une vie normale: les écoles et les universités, fermées le 10 janvier, quatre jours avant le départ du président Zine Ben Ali, doivent rouvrir lundi.

Les évènements sportifs, tous annulés depuis la semaine dernière, pourront «très bientôt» avoir lieu, a dit à la presse Mohamed Aloulou, nouveau ministre de la Jeunesse et des Sports.

Dissolution du comité central du RCD

Le gouvernement d'union nationale a décidé de reconnaître l'ensemble des mouvements politiques interdits et de décréter une amnistie pour tous les prisonniers politiques.

Les manifestations continuent néanmoins pour exiger la fin de l'emprise du RCD, l'ancien parti au pouvoir, sur la vie politique. Les protestataires réclament que les ministres ayant officié sous Ben Ali quittent le gouvernement transitoire.

Face à la pression de la rue, les autorités ont annoncé jeudi la dissolution du comité central du Rassemblement constitutionnel démocratique et un ministre lié à l'ancien pouvoir a présenté sa démission.

L'armée pour maintenir l'ordre

Selon la télévision, les ministres RCD vont rester au gouvernement mais ont tous renoncé à leurs fonction au sein du parti, comme l'avaient déjà fait le président par intérim, Fouad Mebazaa, et le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi.

Les violences et pillages ont diminué depuis les jours de chaos qui ont succédé au départ précipité de Ben Ali. La police ayant perdu tout crédit dans l'opinion pour avoir réprimé sévèrement les manifestations avant la fuite du président, le gouvernement s'appuie désormais sur l'armée pour maintenir l'ordre.