mardi 1 février 2011

Tunisie: le gouvernement de transition se penche sur la situation sécuritaire

L'après-«révolution» | Le gouvernement tunisien de transition s' est réuni mardi avec au programme la situation sécuritaire dans le pays. L'ONU a annoncé un bilan de 219 morts et 510 blessés durant les troubles qui ont fait tomber le régime Ben Ali.
 
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© KEYSTONE | L’ONU a annoncé un bilan de 219 morts et 510 blessés durant les troubles qui ont fait tomber le régime Ben Ali.
 
Le gouvernement tunisien de transition se réunissait mardi avec au programme la situation sécuritaire dans le pays où les incidents se multiplient, alors que l’ONU a annoncé un bilan de 219 morts et 510 blessés durant les troubles qui ont fait tomber le régime Ben Ali.
Deux cents dix-neuf personnes sont mortes, dont 72 dans les prisons, et 510 ont été blessées durant ces cinq semaines de violences, a indiqué à Tunis Bacre Ndiaye, le chef d’une mission du Haut Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU à l’issue de cinq jours de visite de terrain.
"Selon les derniers chiffres retenus, il y a eu 147 personnes tuées et 510 blessées. Ces chiffres n’englobent pas les victimes dans les prisons", a-t-il déclaré, précisant que ces données étaient "provisoires".

Dans le même temps, le gouvernement de transition se réunissait pour la première fois depuis son remaniement dans la douleur le 27 janvier.
Loin de faire l'unanimité
Très contesté dans la rue pendant cinq jours par des manifestants qui campaient sous ses fenêtres malgré le couvre-feu, le premier ministre Mohammed Ghannouchi avait survécu et formé une équipe expurgée des caciques du régime du président Ben Ali, en fuite à l’étranger depuis le 14 janvier.
Selon une source gouvernementale qui a requis l’anonymat, ce conseil devait se centrer sur la question de la sécurité dans le pays, où plusieurs incidents ont été rapportés ces jours derniers.
Les plus inquiétants se sont déroulés lundi à Kasserine, principale ville du centre où la sous-préfecture a été pillée et saccagée par des centaines de jeunes.

Selon des sources syndicales sur place, la sous-préfecture, un lycée, un local associatif et un cabinet de médecin ont été attaqués sans que les forces de l’ordre n’interviennent.
Mardi, la situation restait tendue. Deux syndicalistes, Sadok Mahmoudi et Bechir Harakati, ont indiqué que la police était totalement absente, tandis que l’armée a dispersé dans la matinée un groupe d’un millier de jeunes dans le centre-ville.

Inquiétude de la communauté juive
Sur le littoral sud du pays, c’est dans la communauté juive que l’émoi grandissait.
Lundi soir, la synagogue d’El Hamma, près de Gabès (sud-ouest) a été incendiée par des inconnus, ont indiqué plusieurs responsables de la communauté juive qui ont demandé une protection accrue aux autorités.

"Des gens ont incendié la synagogue lundi soir et les rouleaux de la Torah ont été brûlés", a indiqué Trabelsi Perez, le chef de la communauté juive de l’île de Djerba, qui abrite l’essentiel des quelque 1600 juifs vivant encore en Tunisie.

On a par ailleurs appris mardi de source syndicale qu’un jeune chômeur avait tenté samedi de s’immoler par le feu près de Gafsa (sud) pour dénoncer sa "situation sociale déplorable". Aymen Ben Belgacem, 21 ans, a été hospitalisé dans un état critique à Tunis.

Dans la capitale, le ministre de l’Intérieur Farhat Rajhi devait faire un point sur la sécurité, selon la même source gouvernementale, qui a estimé peu probable une levée du couvre-feu en vigueur depuis le 13 janvier car "la situation n’est pas encore stabilisée".

La gouvernement doit aussi faire face à une grogne de fonctionnaires de plusieurs ministères et aux revendications des policiers, un peu partout dans le pays.
Des policiers ont débrayé lundi à Kairouan (centre), Bizerte (nord) et Sousse (centre-ouest) pour revendiquer un syndicat et de meilleures conditions de travail.
Toutefois, selon une source policière, les policiers devaient reprendre le travail mardi après avoir reçu l’assurance d’une augmentation générale de 140 dinars (environ 73 euros).

Un avion privé appartenant à la famille de Ben Ali a par ailleurs été saisi par la justice française mardi matin à l’aéroport du Bourget près de Paris, ont indiqué des sources proches du dossier.

Alliot-Marie épinglée pour des largesses d'un riche Tunisien

PARIS — La chef de la diplomatie française, Michèle Alliot-Marie, a eu recours fin 2010 en Tunisie au jet privé d'un homme d'affaires tunisien, présenté par l'hebdomadaire Le Canard Enchaîné comme membre "du clan Ben Ali", ce qu'a démenti mardi le cabinet de la ministre.
Dans son édition à paraître mercredi, l'hebdomadaire révèle que la ministre a utilisé entre Noël et le Jour de l'An cet avion pour relier Tunis à la ville de Tabarka, avec son conjoint Patrick Ollier, ministre chargé des Relations avec le Parlement, et des membres de leur famille.
La révolte tunisienne avait commencé quelque deux semaines auparavant, après l'immolation par le feu d'un jeune Tunisien, le 17 décembre à Sidi Bouzid, dans le centre du pays.
Michèle Alliot-Marie est vivement critiquée en France depuis le 11 janvier pour avoir sous-estimé la Révolution du jasmin et avoir proposé devant l'Assemblée nationale une coopération sécuritaire au régime Ben Ali.

L'avion privé ainsi que l'hôtel de destination de Michèle Alliot-Marie appartiennent à Aziz Miled, ami de longue date de la ministre et présenté par Le Canard Enchaîné comme proche de Belhassen Trabelsi, beau-frère de l'ex-président Zine el Abidine Ben Ali.
"Il est vrai que Michèle Alliot-Marie, après avoir pris un vol commercial de Paris à Tunis, a ensuite pris un avion privé pour Tabarka", a indiqué à l'AFP son cabinet. "C'était à l'invitation de Aziz Miled, un ami depuis plusieurs années, qui est le propriétaire d'une compagnie aérienne appelée Nouvelair. Aziz Miled était dans l'avion et les a emmenés, avec ses parents et son conjoint", a-t-on précisé de même source.

"Mais Aziz Miled n'est pas un membre du clan Ben Ali", a souligné le cabinet de la ministre. "Il s'est fait prendre par un membre de la famille Trabelsi 20% de ses parts dans la compagnie aérienne ainsi que la présidence de cette société", a-t-on assuré de même source. La famille Trabelsi est celle de la femme de l'ex-président.

"M. Miled est d'autant moins un proche de Ben Ali que les nouvelles autorités tunisiennes, après le départ de ce dernier et de sa famille, lui ont restitué l'ensemble de ses parts ainsi que la présidence de Nouvelair", a fait valoir le cabinet de la ministre. "En aucun cas, il ne s'agissait d'une faveur du clan Ben Ali", a-t-on insisté de même source.

Dimanche, dans un entretien au Parisien, Michèle Alliot-Marie avait reconnu avoir été en vacances fin 2010 en Tunisie. "Comme des millions de Français, je vais en Tunisie. Voilà tout", avait-elle expliqué.
Elle avait ajouté n'avoir pas songé à démissionner après ses propos controversés sur l'aide policière que la France aurait pu apporter à la Tunisie, précisant avoir "appris à avoir le cuir épais" face aux polémiques.

La semaine dernière, Ségolène Royal, ex-candidate socialiste à la présidentielle de 2007, avait jugé "odieux" le propos de la ministre devant les députés et estimé qu'avoir "des liens très personnels avec la Tunisie" rendait "aveugle".
Le Canard Enchaîné indique aussi avoir cherché en vain à savoir qui avait réglé la facture de l'hôtel de Tabarka où ont séjourné la ministre et sa famille. "Elle a été réglée par Mme Alliot-Marie et sa famille", a assuré l'entourage de la ministre sans plus de précisions.