« Ils fomentaient assez la division et les querelles pour que les habitants en fussent tellement occupés qu'ils ne songeassent point à sortir de l'obéissance. »
Machiavel
Ces manœuvres, pour basiques qu’elles sont, fonctionnent pour une raison toute simple ; ceux qui en sont les victimes n’ont jamais appris ces techniques et, par conséquent, ils ne peuvent les voir pour ce qu’elles sont. De la même façon qu’un amateur de peinture appréciera une toile sans pouvoir mettre des mots dessus, alors qu’un connaisseur, lui, pourra analyser et comprendre la même toile.
Il s’agit là de mettre à disposition de tous un savoir, une connaissance, qui permettra à chacun de mieux comprendre les manœuvres dont il fait les frais à longueur de journée depuis près de deux longues semaines. L’objectif ici est de proposer à tous de s’attarder un peu sur la manière dont les évènements se déroulent, d’observer ainsi leur enchaînement apparemment chaotique, puis de comprendre le schéma général que tout cela dessine.
Vous ne trouverez là nulle exhortation à l’action, simplement un appel à l’usage raisonné de vos facultés de jugements. La suite, ce sera à vous de la décider, de la dessiner. Trouvez ici l’usage d’outils que l’homme a forgé il y a longtemps en vu de préserver la liberté, mais qui vous ont été retiré par ceux-là qui ne souhaitent pas vous voir les utiliser contre eux ; rappelez vous, l’heure venue, que eux ils n’hésitent pas à les utiliser contre vous.
Il faut partir avant tout du seul constat qui s’impose. Le dimanche 16 janvier au soir, le peuple était plus qu’uni, il ne faisait qu’un, il n’y avait plus en Tunisie ni de clivages sociaux, ni de clivages économiques. Les questions pour tous les tunisiens avaient été réduites à la dernière entre toute, l’ultime, celle de la mort. Face à la mort, nous sommes tous égaux. Et c’est bien ce qui a uni les tunisiens ce dimanche 16 janvier. L’argent ne compte plus face à cette question. Et la manière dont tous les tunisiens avaient eu à faire face à leur mort, ensemble, individuellement et collectivement, les avaient rendu en ce dimanche soir presque invincible. En un autre temps, avec un Hannibal à leur tête, ils auraient pu s’en aller conquérir le monde ce soir là ; nous le savons, tous, au fond de nous. Nous savons quelle force était en nous, quelle foi, quelle fraternité. Nous aurions pu, alors, renverser toutes les tyrannies avec pour seules armes notre courage notre foi et notre unité.
Aujourd’hui… aujourd’hui jeudi 26 janvier… ce jour qui trouve un écho sinistre dans notre histoire… aujourd’hui les tunisiens sont partagés, divisés, morcelés ; chacun pense contre l’autre, et cela au sein même d’une famille. Tous ont leurs avis, qu’ils veulent le bon, l’unique, le meilleur. Chacun nie à l’autre la possibilité d’avoir raison ; aucun ne cherche la vérité, mais tous cherchent à imposer leurs avis.
Comment en une semaine avons-nous pu redevenir à ce point imbéciles, petits, méprisables ? Et bien la réponse est très simple. Il a suffit d’une bonne connaissance de la nature humaine et de quelques leviers employés à bon escient. Mais voilà l’explication :
La stratégie de la division commence au soir du vendredi 14 janvier, alors que le tyran s’en va. À ce moment là une force armée se met à terroriser le peuple. Le but politique de cette intervention était évident, il s’agissait de rappeler une population au calme et à la discipline par la peur. Mais c’était sans compter la vigueur de notre peuple, alors raffermit par sa récente victoire. Les tunisiens se sont alors organisés en comité de surveillance et de protection par quartiers, par cités, innervant alors le pays d’un réseaux de résistance tel qu’on ne l’a vu dans l’histoire du monde qu’en de très rares occasions.
Ceux qui avaient lancés leur force armée à l’encontre du peuple pour le terroriser ont donc du opérer un revirement stratégique en quatre étapes.
La première et la seconde étape se sont déroulées dans le même temps, à savoir du vendredi au lundi. La troisième étape s’est déroulée du 17 janvier au 23 janvier, la dernière est en cours.
La première étape :
Alors que cette force armée[1] a reçu l’ordre de massacrer les populations des quartiers et des zones régionales les plus défavorisées, elle devait préserver de la mort les zones de la Tunisie bourgeoises et aisées, dans ces zones-là, il fallait simplement instaurer un climat de peur et d’insécurité.
Par ailleurs et grâce à cela, l’État d’urgence a pu être maintenu ainsi que son corollaire, le couvre-feu, qui amène l’ensemble des tunisiens à s’isoler en famille dès la fin de l’après-midi.
La seconde étape :
Donner l’impression d’avoir constitué un gouvernement d’union nationale autours de membres de l’opposition légale et de l’UGTT.
Les membres de la véritable opposition, qui n’ont jamais été touchés de près ou de loin par les souillures de la tyrannie, ont été soigneusement tenus à l’écart de tout rapprochement. Ainsi, dans ce gouvernement « d’union nationale » n’apparaissaient que les personnalités politiques tunisiennes qui étaient, d’une part, déjà complices depuis longtemps de la tyrannie[2], et d’autre part, ils étaient les seuls « opposants » à être jamais apparu sur la scène publique tunisienne.
La véritable opposition étant interdite, censurée, effacée soigneusement du champ de vision de la Tunisie et des tunisiens, il était facile alors de prétendre que les possibilités de constituer un autre gouvernement était impossible, puisque effectivement, pour tout ceux qui ne s’étaient jamais intéresser à la politique[3] la scène politique se résumait à ce spectacle bouffon offert par le premier gouvernement d’union nationale[4].
La troisième étape :
L’UGTT accompagnée de certains membres de l’opposition légale se retirent avec bruit et fracas de ce gouvernement[5].
Fort de ce coup d’éclat, ces structures[6] se refont une virginité auprès du peuple tunisien mécontent ; ces structures appellent à la contestation du nouveau gouvernement et à la grève générale. C’est alors que la population commence à se diviser.
D’un côté il y a ceux qui ne veulent pas se compromettre avec des structures honnies et corrompues et qui voient dans ces appels à la grève une manipulation politique au premier degré[7].
De l’autre côté il y a ceux qui, appel à la grève ou pas, avaient prévu d’aller manifester et de demander la destitution de ce gouvernement illégitime et le remplacement des ministres de la tyrannie par des véritables figures de l’opposition qui possèdent l’expérience et les compétences pour mener la mission d’un gouvernement de transition à bien.
Cette division a été entretenue toute la semaine par un usage particulièrement intelligent des réseaux sociaux de la part du pouvoir[8], ainsi que par un usage toujours aussi maitrisé des médias traditionnels que l’on avait prétendument libéré de toute contrainte et de toute propagande.
Enfin, après l’annonce de la réouverture des écoles et lycée et l’appel au retour dans les universités des enseignants du secondaire, un appel à la grève estampillée UGTT a circulé le vendredi 21 janvier. Ce qui n’a fait qu’attiser les passions et les haines le week-end durant. Le dimanche au soir, la rumeur était démentie par l’UGTT. Laissant les mécontents[9] seuls face à ceux qui étaient, au début, contre le mouvement à cause de l’UGTT.
La quatrième étape
Cette étape a commencé le 24 janvier avec l’arrivée de « la caravane de la dignité ». Le pouvoir a, à nouveau, assuré son pouvoir sur les médias, et il use de toute sa maîtrise de la propagande pour montrer les manifestants comme représentant une minorité, un point de vue minoritaire. La séparation est presque achevée puisque le 25 était prévu une contre manifestation pro-gouvernementale.
But
Chaque étape était une manœuvre d’un plan général qui est presque achevé.
La séparation des pauvres et des riches
La première étape consistait à casser l’union qui s’était faite par la destruction des clivages économiques et sociaux. La mort touchant les pauvres, ceux-là ne pouvaient que se radicaliser, alors qu’au contraire, préserver les bourgeois permettait de leur faire réaliser que cela aurait pu être pire, et, du coup, leur faire désirer la paix sociale.
La séparation intérieure du peuple
Le couvre-feu entrainait, quant à lui, un repli de la population par classe sociale et par famille, il empêche l’expérience de la chose commune de se faire à nouveau. Le maintenir entrainait aussi une plus grande perméabilité des populations à la propagande des médias et de l’internet. Une population enfermée est vulnérable et à l’écoute de tous ce qui se passe, cela devient beaucoup plus facile de lui faire avaler toutes les couleuvres que l’on veut.
La séparation des politisés et des dépolitisés
La deuxième étape permettait de diviser ceux qui avaient une culture politique et ceux qui en ont été privé. D’un côté, il y avait l’affirmation qu’autre chose était possible et de l’autre la conviction que rien d’autre que le chaos n’existait.
La séparation des révoltés d’avec eux-mêmes
La troisième étape avait pour but de décrédibiliser l’ensemble des personnes qui refusaient le gouvernement et souhaitaient sa destitution. Ayant décrédibilisé l’ensemble des personnes qui soutenaient cette position politique, la position elle-même est devenu trop facilement attaquable, parce que défendu par des indéfendables. Cette stratégie est vieille comme le monde. Le fait que l’UGTT ait lâché au dernier moment dimanche soir, montre bien que dès le départ il y avait une alliance entre le gouvernement et l’UGTT. Le départ de la centrale syndicale n’ayant été qu’une mise en scène destinée à atteindre l’objectif qui vient d’être décris.
DIVIDE ET IMPERA
La quatrième étape a pour but d’achever cette séparation. Il s’agit maintenant pour chacun d’entre nous de bien comprendre que nous sommes tous, sans exception, au centre d’un maillage social, économique et intellectuel. Et ce maillage est ce qui fait que telle ou telle tactique du pouvoir a plus ou moins bien fonctionnée sur tel ou tel individu. Il nous faut absolument faire comprendre ce qui s’est passé au plus grand nombre, c’est pourquoi je vous enjoins à traduire ce texte en arabe si vous le pouvez, le diffusez le plus possible, parler de cela, expliquer. Ils ont très bien calculé leur coup et ils sont près de gagner. Ils ont appliqué l’une des plus vieilles et des plus efficaces leçons de l’Art Politique : DIVISER POUR MIEUX RÉGNER.
Tunis le 26/01/2011
Shiran Ben Abderrazak
(Source : http://goo.gl/ZvFYe)
[1] À propos de laquelle courent encore les plus folles rumeurs.
[2] La légitimant et recevant de l’argent et d’autres avantages en échange de la soumission politique.
[3] Et ils étaient nombreux, rappelons que nul ne le pouvait par des moyens légaux de toute façon.
[4] Et que cette union fut l’union nationale des menteurs, corrompus et associés, nul ne pensera à le remettre en question. Par ailleurs cette mécanique explique le triste accueille qu’a subis M Marzouki, accueil qu’il ne méritait certainement pas, mais qui est du à un manque de clairvoyance et d’analyse politique assez frappant. Il lui faudra méditer longuement sur ce qu’Ibn Khaldoun écrivait il y a bien longtemps à propos de ces prophètes malheureux qui ne comptaient que sur le prêche de la vérité (Dawa), ne s’appuyant sur aucun soutient populaire (Assabyya).
[5] Cela laisse ce gouvernement dorénavant tout entier aux mains des ministres que le tyran avait placés, tous membres du parti unique RCD.
[6] Ces structures sont complètements corrompues, impliquées dans les malversations financières du pouvoir, les détournements de fonds publics, et, surtout, elles sont décrédibilisées par vingt ans de collaborations et de bons et loyaux services rendus à la tyrannie
[7] C’est à dire que l’UGTT chercherait à gagner un pouvoir politique et à rendre à ses dirigeants une innocence politique.
[8] L’habile diffusion de rumeurs sur les deux factions, le jeu sur les passions et les attachements culturels des uns et des autres a fait de cette division une véritable « affaire publique ».
[9] Ceux là, rappelons-le, n’avaient pas besoin de l’UGTT pour manifester et faire la grève.
Machiavel
Aujourd’hui en Tunisie les choses vont vite, très vite. Pour dire les choses le plus simplement du monde, tout se passe tellement vite que l’on ne sait plus où donner de la tête. Et pourtant… pourtant rien ne change. Non, rien. Cela peut ressembler à un paradoxe, mais il ne s’agit que du résultat d’un ensemble de manœuvres politiques élémentaires. Le B-A-BA que tout politicien se doit de connaître pour survivre dans son milieu.
Ces manœuvres, pour basiques qu’elles sont, fonctionnent pour une raison toute simple ; ceux qui en sont les victimes n’ont jamais appris ces techniques et, par conséquent, ils ne peuvent les voir pour ce qu’elles sont. De la même façon qu’un amateur de peinture appréciera une toile sans pouvoir mettre des mots dessus, alors qu’un connaisseur, lui, pourra analyser et comprendre la même toile.
Il s’agit là de mettre à disposition de tous un savoir, une connaissance, qui permettra à chacun de mieux comprendre les manœuvres dont il fait les frais à longueur de journée depuis près de deux longues semaines. L’objectif ici est de proposer à tous de s’attarder un peu sur la manière dont les évènements se déroulent, d’observer ainsi leur enchaînement apparemment chaotique, puis de comprendre le schéma général que tout cela dessine.
Vous ne trouverez là nulle exhortation à l’action, simplement un appel à l’usage raisonné de vos facultés de jugements. La suite, ce sera à vous de la décider, de la dessiner. Trouvez ici l’usage d’outils que l’homme a forgé il y a longtemps en vu de préserver la liberté, mais qui vous ont été retiré par ceux-là qui ne souhaitent pas vous voir les utiliser contre eux ; rappelez vous, l’heure venue, que eux ils n’hésitent pas à les utiliser contre vous.
Il faut partir avant tout du seul constat qui s’impose. Le dimanche 16 janvier au soir, le peuple était plus qu’uni, il ne faisait qu’un, il n’y avait plus en Tunisie ni de clivages sociaux, ni de clivages économiques. Les questions pour tous les tunisiens avaient été réduites à la dernière entre toute, l’ultime, celle de la mort. Face à la mort, nous sommes tous égaux. Et c’est bien ce qui a uni les tunisiens ce dimanche 16 janvier. L’argent ne compte plus face à cette question. Et la manière dont tous les tunisiens avaient eu à faire face à leur mort, ensemble, individuellement et collectivement, les avaient rendu en ce dimanche soir presque invincible. En un autre temps, avec un Hannibal à leur tête, ils auraient pu s’en aller conquérir le monde ce soir là ; nous le savons, tous, au fond de nous. Nous savons quelle force était en nous, quelle foi, quelle fraternité. Nous aurions pu, alors, renverser toutes les tyrannies avec pour seules armes notre courage notre foi et notre unité.
Aujourd’hui… aujourd’hui jeudi 26 janvier… ce jour qui trouve un écho sinistre dans notre histoire… aujourd’hui les tunisiens sont partagés, divisés, morcelés ; chacun pense contre l’autre, et cela au sein même d’une famille. Tous ont leurs avis, qu’ils veulent le bon, l’unique, le meilleur. Chacun nie à l’autre la possibilité d’avoir raison ; aucun ne cherche la vérité, mais tous cherchent à imposer leurs avis.
Comment en une semaine avons-nous pu redevenir à ce point imbéciles, petits, méprisables ? Et bien la réponse est très simple. Il a suffit d’une bonne connaissance de la nature humaine et de quelques leviers employés à bon escient. Mais voilà l’explication :
La stratégie de la division commence au soir du vendredi 14 janvier, alors que le tyran s’en va. À ce moment là une force armée se met à terroriser le peuple. Le but politique de cette intervention était évident, il s’agissait de rappeler une population au calme et à la discipline par la peur. Mais c’était sans compter la vigueur de notre peuple, alors raffermit par sa récente victoire. Les tunisiens se sont alors organisés en comité de surveillance et de protection par quartiers, par cités, innervant alors le pays d’un réseaux de résistance tel qu’on ne l’a vu dans l’histoire du monde qu’en de très rares occasions.
Ceux qui avaient lancés leur force armée à l’encontre du peuple pour le terroriser ont donc du opérer un revirement stratégique en quatre étapes.
La première et la seconde étape se sont déroulées dans le même temps, à savoir du vendredi au lundi. La troisième étape s’est déroulée du 17 janvier au 23 janvier, la dernière est en cours.
La première étape :
Alors que cette force armée[1] a reçu l’ordre de massacrer les populations des quartiers et des zones régionales les plus défavorisées, elle devait préserver de la mort les zones de la Tunisie bourgeoises et aisées, dans ces zones-là, il fallait simplement instaurer un climat de peur et d’insécurité.
Par ailleurs et grâce à cela, l’État d’urgence a pu être maintenu ainsi que son corollaire, le couvre-feu, qui amène l’ensemble des tunisiens à s’isoler en famille dès la fin de l’après-midi.
La seconde étape :
Donner l’impression d’avoir constitué un gouvernement d’union nationale autours de membres de l’opposition légale et de l’UGTT.
Les membres de la véritable opposition, qui n’ont jamais été touchés de près ou de loin par les souillures de la tyrannie, ont été soigneusement tenus à l’écart de tout rapprochement. Ainsi, dans ce gouvernement « d’union nationale » n’apparaissaient que les personnalités politiques tunisiennes qui étaient, d’une part, déjà complices depuis longtemps de la tyrannie[2], et d’autre part, ils étaient les seuls « opposants » à être jamais apparu sur la scène publique tunisienne.
La véritable opposition étant interdite, censurée, effacée soigneusement du champ de vision de la Tunisie et des tunisiens, il était facile alors de prétendre que les possibilités de constituer un autre gouvernement était impossible, puisque effectivement, pour tout ceux qui ne s’étaient jamais intéresser à la politique[3] la scène politique se résumait à ce spectacle bouffon offert par le premier gouvernement d’union nationale[4].
La troisième étape :
L’UGTT accompagnée de certains membres de l’opposition légale se retirent avec bruit et fracas de ce gouvernement[5].
Fort de ce coup d’éclat, ces structures[6] se refont une virginité auprès du peuple tunisien mécontent ; ces structures appellent à la contestation du nouveau gouvernement et à la grève générale. C’est alors que la population commence à se diviser.
D’un côté il y a ceux qui ne veulent pas se compromettre avec des structures honnies et corrompues et qui voient dans ces appels à la grève une manipulation politique au premier degré[7].
De l’autre côté il y a ceux qui, appel à la grève ou pas, avaient prévu d’aller manifester et de demander la destitution de ce gouvernement illégitime et le remplacement des ministres de la tyrannie par des véritables figures de l’opposition qui possèdent l’expérience et les compétences pour mener la mission d’un gouvernement de transition à bien.
Cette division a été entretenue toute la semaine par un usage particulièrement intelligent des réseaux sociaux de la part du pouvoir[8], ainsi que par un usage toujours aussi maitrisé des médias traditionnels que l’on avait prétendument libéré de toute contrainte et de toute propagande.
Enfin, après l’annonce de la réouverture des écoles et lycée et l’appel au retour dans les universités des enseignants du secondaire, un appel à la grève estampillée UGTT a circulé le vendredi 21 janvier. Ce qui n’a fait qu’attiser les passions et les haines le week-end durant. Le dimanche au soir, la rumeur était démentie par l’UGTT. Laissant les mécontents[9] seuls face à ceux qui étaient, au début, contre le mouvement à cause de l’UGTT.
La quatrième étape
Cette étape a commencé le 24 janvier avec l’arrivée de « la caravane de la dignité ». Le pouvoir a, à nouveau, assuré son pouvoir sur les médias, et il use de toute sa maîtrise de la propagande pour montrer les manifestants comme représentant une minorité, un point de vue minoritaire. La séparation est presque achevée puisque le 25 était prévu une contre manifestation pro-gouvernementale.
But
Chaque étape était une manœuvre d’un plan général qui est presque achevé.
La séparation des pauvres et des riches
La première étape consistait à casser l’union qui s’était faite par la destruction des clivages économiques et sociaux. La mort touchant les pauvres, ceux-là ne pouvaient que se radicaliser, alors qu’au contraire, préserver les bourgeois permettait de leur faire réaliser que cela aurait pu être pire, et, du coup, leur faire désirer la paix sociale.
La séparation intérieure du peuple
Le couvre-feu entrainait, quant à lui, un repli de la population par classe sociale et par famille, il empêche l’expérience de la chose commune de se faire à nouveau. Le maintenir entrainait aussi une plus grande perméabilité des populations à la propagande des médias et de l’internet. Une population enfermée est vulnérable et à l’écoute de tous ce qui se passe, cela devient beaucoup plus facile de lui faire avaler toutes les couleuvres que l’on veut.
La séparation des politisés et des dépolitisés
La deuxième étape permettait de diviser ceux qui avaient une culture politique et ceux qui en ont été privé. D’un côté, il y avait l’affirmation qu’autre chose était possible et de l’autre la conviction que rien d’autre que le chaos n’existait.
La séparation des révoltés d’avec eux-mêmes
La troisième étape avait pour but de décrédibiliser l’ensemble des personnes qui refusaient le gouvernement et souhaitaient sa destitution. Ayant décrédibilisé l’ensemble des personnes qui soutenaient cette position politique, la position elle-même est devenu trop facilement attaquable, parce que défendu par des indéfendables. Cette stratégie est vieille comme le monde. Le fait que l’UGTT ait lâché au dernier moment dimanche soir, montre bien que dès le départ il y avait une alliance entre le gouvernement et l’UGTT. Le départ de la centrale syndicale n’ayant été qu’une mise en scène destinée à atteindre l’objectif qui vient d’être décris.
DIVIDE ET IMPERA
La quatrième étape a pour but d’achever cette séparation. Il s’agit maintenant pour chacun d’entre nous de bien comprendre que nous sommes tous, sans exception, au centre d’un maillage social, économique et intellectuel. Et ce maillage est ce qui fait que telle ou telle tactique du pouvoir a plus ou moins bien fonctionnée sur tel ou tel individu. Il nous faut absolument faire comprendre ce qui s’est passé au plus grand nombre, c’est pourquoi je vous enjoins à traduire ce texte en arabe si vous le pouvez, le diffusez le plus possible, parler de cela, expliquer. Ils ont très bien calculé leur coup et ils sont près de gagner. Ils ont appliqué l’une des plus vieilles et des plus efficaces leçons de l’Art Politique : DIVISER POUR MIEUX RÉGNER.
Tunis le 26/01/2011
Shiran Ben Abderrazak
(Source : http://goo.gl/ZvFYe)
[1] À propos de laquelle courent encore les plus folles rumeurs.
[2] La légitimant et recevant de l’argent et d’autres avantages en échange de la soumission politique.
[3] Et ils étaient nombreux, rappelons que nul ne le pouvait par des moyens légaux de toute façon.
[4] Et que cette union fut l’union nationale des menteurs, corrompus et associés, nul ne pensera à le remettre en question. Par ailleurs cette mécanique explique le triste accueille qu’a subis M Marzouki, accueil qu’il ne méritait certainement pas, mais qui est du à un manque de clairvoyance et d’analyse politique assez frappant. Il lui faudra méditer longuement sur ce qu’Ibn Khaldoun écrivait il y a bien longtemps à propos de ces prophètes malheureux qui ne comptaient que sur le prêche de la vérité (Dawa), ne s’appuyant sur aucun soutient populaire (Assabyya).
[5] Cela laisse ce gouvernement dorénavant tout entier aux mains des ministres que le tyran avait placés, tous membres du parti unique RCD.
[6] Ces structures sont complètements corrompues, impliquées dans les malversations financières du pouvoir, les détournements de fonds publics, et, surtout, elles sont décrédibilisées par vingt ans de collaborations et de bons et loyaux services rendus à la tyrannie
[7] C’est à dire que l’UGTT chercherait à gagner un pouvoir politique et à rendre à ses dirigeants une innocence politique.
[8] L’habile diffusion de rumeurs sur les deux factions, le jeu sur les passions et les attachements culturels des uns et des autres a fait de cette division une véritable « affaire publique ».
[9] Ceux là, rappelons-le, n’avaient pas besoin de l’UGTT pour manifester et faire la grève.
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