DECRYPTAGE - La Toile est un élément majeur pour relayer la contestation populaire, mais elle ne suffit pas...
Tunisie, Algérie, Egypte, Jordanie, Syrie… Internet et les réseaux sociaux en particulier sont devenus un cauchemar pour certains régimes de pays arabes dans lesquels une contestation populaire de plus en plus importante se fait sentir. Car, dans le cas tunisien, malgré une censure beaucoup plus présente que dans d’autres régimes similaires, le Web a joué dans la chute de l’ex-président Ben Ali un rôle «très important» selon Karim Bitar, spécialiste du monde arabe à l'Institut des relations Internationales et Stratégiques (Iris), joint par 20minutes.fr.
«C'est sensationnel d'avoir participé via Internet à la chute du tyran, en téléchargeant des vidéos, a expliqué le blogueur tunisien Tarek Mekki à son retour au pays dimanche après un exil au Canada. Ce que nous avons fait sur Internet avait de la crédibilité, et c'est pourquoi cela a marché.»
«Internet n’aurait pas été suffisant sans la grande mobilisation populaire»
Karim Bitar souligne également la combinaison avec les chaînes de télévision arabes, telle Al-Jazira, qui relayait les vidéos des internautes tunisiens. Cependant, «Internet n’aurait pas été suffisant sans la grande mobilisation populaire», tempère le chercheur.
«Internet sert d’appui, d’effet boule de neige pour amplifier, galvaniser les foules et contourner la censure» via les réseaux sociaux notamment, ajoute le chercheur, mais la Toile ne fait pas tout: «Elle ne peut pas créer une révolution ou abattre un régime à elle toute seule». Deux autres facteurs déterminants sont nécessaires selon Karim Bitar: la géopolitique et l’économie.
La Tunisie était en avance
Ces trois éléments étaient réunis en Tunisie. «Il y avait une unanimité contre le régime Ben Ali», précise le chercheur alors qu’en Iran par exemple, où, au cours des troubles de juin 2009, l’«on a parlé d’une révolution Twitter, le pouvoir a fait jouer la fibre nationaliste pour se maintenir». Malgré des restrictions moins contraignantes en Algérie et en Egypte, le taux de pénétration sur Internet y est également moindre qu’en Tunisie (13% et 20% contre 30% en Tunisie).
Les Egyptiens n’ont pourtant pas attendu non plus les Tunisiens pour exprimer leur mécontentement grâce à Internet et aux réseaux sociaux. Le pays, qui compte le plus d’internautes du monde arabe (17 millions), s’est déjà enflammé à plusieurs reprises, et notamment lors d’émeutes en 2008 grâce à une mobilisation relayée par téléphone portable et sur Internet. Battu à mort en juin 2010 «après avoir diffusé une vidéo dans laquelle des policiers étaient pris en flagrant délit de corruption», c’est un blogueur, Khaled Saïd, qui est devenu la «figure de proue des mouvements de contestation du pouvoir» qui s’organisent systématiquement via Facebook, rapporte France 24.
Mais ce qui vient de se passer en Tunisie a provoqué «un enthousiasme de la jeunesse arabe inédit jusqu'alors», indique Karim Bitar qui est ainsi convaincu que les régimes arabes autoritaires «sont condamnés à moyen terme». Pour le chercheur, «l’aspiration à la transparence est profonde et irréversible» et Internet «jouera un rôle», notamment comme relais de «l’exaspération des peuples». Une conclusion à laquelle certains sont arrivés également en France. «La force d'Internet et des réseaux sociaux a libéré la parole en Tunisie. C'est un constat que nous aurons à prendre en compte à l'avenir», a déclaré la ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, peu après la fuite de Zine Ben Ali en Arabie saoudite.
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